Qui êtes-vous Môôônsieur Emile Mustacchi ?

Jean-Luc MODAT Auteur, créateur

Voilà des années, à la faveur d’un reportage TV, l’artiste peintre catalan au look déjanté est devenu la coqueluche de l’émission d’Ali Baddiou émission diffusée sur Canal+…. Emile retombera vite dans l’oubli et retournera presto dans l’anonymat. Du Vendredi 28 avril Jusqu’au 31 mai, la Ville de Perpignan lui consacre une exposition avec pour écrin les cimaises de l’extraordinaire verrière de l’Hôtel Pams. Mais qui est donc vraiment Emile Mustacchi ? Rencontre.

Veste à carreaux, coiffé d’un bonnet «mustacchien» chevelure et barbe hirsutes, fagoté de fringues improbables, breloques de pacotilles aux doigts, chaussettes bigarrées dépareillées, Emile Mustacchi est une figure éminente de Perpignan, du Pays Catalan. Il intrigue, interpelle, dérange parfois, sans jamais laisser indifférent. Nombreux sont ceux qui s’obstinent à lisser leurs apparences pour coller aux codes de conformité, aux normalités, à l’uniformité… inclassable, Emile les fuit pour cultiver son look déjanté, décalé, farfelu voire atypique. N’est-ce pas le propre des génies d’être à concourant de leur époque ? Ce poète loufoque éclaire de son falot les absurdités de la nature humaine, Emile invite aux utopies de demain !

Quelle personne se cache derrière ce look farfelu ?

Emile Mustacchi (Photo La Gazette Catalane)

Emile-MUSTACCHI Photo Jean-Luc MODAT

Émile n’est pas seulement une apparence. Sous ses traits se cache un immense artiste au talent peu reconnu. «Je suis un épicurien carpe Diem, c’est ma religion ! J’en suis le seul prêtre.» Déclare solennel Emile, Mimile pour les intimes. Grand admirateur de Dali, Rembrandt et Rubens, il s’est spécialisé dans l’art du portrait et de la caricature. «Vivre de mes dessins est difficile. Je ne sais pas faire autre chose. Je ne suis pas argenté, suis souvent dans la panade donc privé de toutes les bonnes choses de la vie. Quand on n’a pas d’argent, on est marginalisé, condamné à la solitude.» Déplore-t-il. Qui soupçonnerait derrière ses apparences fantasques, une telle sensibilité ? Emile Mustacchi est un délicieux personnage attachant, son regard clair révèle l’extrême gentillesse. Pourtant, pour nombre de braves gens, il inspire crainte, méfiance voire mépris ! D’ailleurs sur le ton de la confidence, ne regrette-t-il pas : «La Ville de Perpignan se fiche éperdument de moi, comme si je n’existais pas !» Nombreux sont ceux qui ont profité de sa bonté de sa naturelle candeur : «Je me suis fait plusieurs fois arnaqué par des personnes d’ici qui ont pignon sur rue. Grâce à elles (Elles se reconnaîtront) je me suis retrouvé sans le sou.» Emile Mustacchi continue donc son art, touchant une toute petite pension d’invalidité. Ses revenus ne lui permettent plus d’acheter de la peinture alors il se contente de dessiner à la sanguine. Quel gâchis !

Emile portraitiste officiel de la famille royale de Belgique

Emile Mustacchi (Photo La Gazette Catalane
Emile MUSTACCHI Photo Jean-Luc MODAT

« Je suis né sur la Planète Mars ! « Se plait-il à plaisanter un xic (1) provocateur. Fils d’une famille modeste, son père était maçon, rien ne le prédestinait à la peinture. «Je suis né le 3 Septembre 1944 à Palerme en Sicile, fief de la mafia ! » Insiste-t-il. «J’ai quitté l’Italie avec ma famille je n’avais que 3 ans pour gagner la Belgique où mon père travailla à la mine. Quelques années plus tard, je suivais ma famille au Maroc où nous avons vécu de nombreuses années.»

Gamin, Emile dessine des heures durant. Puis, à l’âge de 14 ans, une dame lui offre un coffret de peinture, ce détail produit son destin. Dès lors il s’initie seul à la peinture, copie les grands maîtres de la peinture. Cet artiste autodidacte n’a jamais fréquenté les Beaux-Arts ni la moindre école de peinture. Son talent inné est un don qu’il cultivera. Les années passent, il regagne Bruxelles. Bientôt, son immense talent artistique lui vaut d’être présenté à la famille royale. La princesse Paola lui commande les portraits de ses enfants. Sa réputation est faite ! Il est devenu célèbre. L’aristocratie belge se l’arrache. Son destin semblait alors tout tracé, une déconvenue plus tard, il est forcé de rejoindre ses parents installés à Aubagne. Puis la famille s’installe il y a une trentaine d’années à Perpignan au Haut Vernet. Emile semble marqué par son enfance, par cette mère, pas démonstrative pour un sou, peu aimante à son égard qui ne lui démontrait aucuns signes de tendresse. S’il affectionne dessiner les rondeurs voluptueuses féminines n’est-ce pas là en écho à cette frustration d’amour maternel ?

(1) un peu

Hôtel PAMS Perpignan

Le vernissage de l’exposition aura lieu le Vendredi 28 avril à l’Hôtel Pams à 18h30. L’exposition sera ouverte du mardi au dimanche de 11h à 17h jusqu’au 31 mai.

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